28/06/2019
Petit guide d'auto aïkido mental à l'usage de ceux qui veulent écouter les femmes quand elles parlent de sexisme - partie 3

Dans cette 3ème partie de mon guide d’autoaïkido antisexiste, il s’agit d’être à l’écoute de soi et de le rester. Elle est plus ardue à mettre en œuvre que la partie 1 et la partie 2, accrochez-vous !

Partie 3 : Être à l’écoute de soi

Bien écouter, c’est aussi tourner une partie de son attention vers soi. Si tu sais reconnaître ce qui t’appartient, ton écoute ne sera que meilleure.

Exploiter les injonctions virilistes contre elles-mêmes

Tu as probablement reçu de nombreux messages dans ton enfance (par exemple si tu as regardé des grosses productions au cinéma) qui ont renforcé ta croyance que pour être un homme, tu dois être fort, et résister à la douleur.

Tu sais que ces injonctions ne sont pas très saines.

Mais puisqu’elles sont imprimées en toi, et tant qu’elles le sont, tu peux les utiliser comme une ressource, à ton service, pour une fois.

Si ce que tu entends est inconfortable, désagréable ou douloureux à écouter, dis-toi : « Sois fort : écoute et encaisse ».

Mais autant le faire bien : plutôt que de mettre ce qui fait mal à distance, en détournant le regard, ou en te réfugiant dans des pensées plus confortables, efforce-toi de retarder ces réflexes antalgiques, reste au contact de ce qui se passe en toi, et fais-en quelque chose. Et tant pis si ça fait mal.

Observe en toi comment ça te fait mal : probablement des émotions désagréable, peut-être même insupportables. Doute, confusion, colère, tristesse, culpabilité, honte, impuissance, découragement… ? Plutôt que de rejeter ces émotions négatives, accueille-les, entraine-toi à les reconnaître, et donne toi le temps d’y réagir différemment.

Si tu y parviens, tu pourras utiliser ces émotions comme autant de forces pour agir.

Jouer l’effet miroir

Si tu es tenté de faire remarquer que tous les hommes ne sont pas pareils, si tu as envie d’avoir une chance d’être perçu comme un individu unique plutôt qu’un membre comme les autres d’une engeance méprisable, retiens-toi, et reste au contact de ta peur et de ta frustration.

Profite de cet état, pour te dire : « Oui c’est déplaisant de me sentir jugé sur la seule base de mon appartenance à une classe/un genre… mais n’est-ce pas précisément de cette expérience dont me fait part mon interlocutrice ? » En renversant ainsi la perspective, tu as la chance de ressentir une partie de ce que vit l’autre, et de le comprendre.

De la même manière, si malgré tes efforts, tu ne reçois pas les messages rassurants que tu attends, accueille également cette frustration comme une chance de ressentir toi aussi ce que signifie le manque de reconnaissance et d’empathie dont on te parle peut-être.

Déjouer son sentiment d’impuissance

À force d’écouter, tu vas doucement prendre la mesure d’un gigantesque problème, dont tu n’arriveras probablement pas à envisager le moindre embryon de solution. Alors viendra en toi un sentiment d’impuissance, que tu voudras mettre à distance le plus rapidement possible.

Ne détourne pas ton attention, ne cède pas au désespoir. Répète-toi les mots suivants : « Écouter, c’est déjà agir : Il n’y aura pas d’action efficace sans conscience, et pas de conscience sans écoute. »

Gérer son sentiment de culpabilité

Une autre émotion pourrait naître en toi : la culpabilité.

C’est désagréable, certes. Mais c’est une bonne nouvelle aussi, pour deux raisons au moins : c’est signe que tu te sens concerné, et c’est une force pour améliorer la situation. Peut-être pourras-tu, à défaut de changer le monde, te changer, un peu, toi-même ?

Prends conscience de ce sentiment de culpabilité, mais ne le laisse pas s’installer. La culpabilité ne te sert à rien si elle t’encourage à l’inertie.

Utilise-la comme un moteur. Passe à l’action. Mais pas à n’importe quelle action.

Tu pourrais être tenté de t’excuser plutôt que de présenter tes excuses. Ou d’insister auprès de ton interlocutrice pour lui extorquer un pardon. Ne le fais pas.

Dans l’immédiat, c’est le temps de l’écoute. Si on te parle d’un comportement que tu es susceptible d’avoir déjà eu, assure-toi de bien comprendre la souffrance que ce comportement crée, et cherche les indices qui te permettront d’identifier une alternative plus appropriée.

Et si tu ressens de la honte, accueille-là comme le signe que tu es en train d’acquérir une nouvelle capacité : une sensibilité qui va t’aider à identifier immédiatement et sans effort les comportements inappropriés, et à en choisir de meilleurs.

Tourner son attention vers sa propre subjectivité

Si tu arrives à voir en quoi tu contribues à un système que tu réprouves, il est temps d’envisager que tes comportements ne font partie de toi que dans la mesure où tu les as appris. Et qu’il ne s’agit d’ailleurs pas que de toi à titre individuel, mais de toi en tant qu’individu conditionné par des stéréotypes masculins.

Ainsi, l’exercice d’écoute n’est plus tant une enquête sur la féminité de ton interlocutrice, mais sur ta propre masculinité.

Quel comportement as-tu appris ? Saurais-tu apprendre autre chose, à la place ? Si oui, que devrais-tu apprendre ?

Apprendre à écouter vraiment est une première réponse. Il y en a probablement bien d’autres.

Quand tu écoutes, nourris l’espoir que tu vas découvrir des choses sur toi-même, en particulier sur ta propre subjectivité. Comment as-tu réussi à ignorer jusqu’à aujourd’hui ce que tu commences seulement à percevoir ? Laisse toi guider par ta curiosité dans cette direction, sois attentif aux indices, qui sait ce que tu vas découvrir ?

Attention néanmoins : tourner ton attention vers ta propre condition pourrait te détourner de ta quête d’égalité. Tu pourrais tomber dans le piège de l’auto-apitoiement.

Il aurait encore bien d’autres choses à dire

Je n’ai parlé dans cette partie des astuces qui ont bien fonctionné pour moi. Il y aurait probablement encore beaucoup de pratiques à (re)découvrir pour déjouer de l’intérieur ses propres obstacles à l’écoute. N’hésitez pas à partager vos propres astuces en m’envoyant un message.

L’article suivant présentera dernière partie du guide : « Gérer les effets secondaires ».

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Raphaël Pierquin